Sites Remarquables et Échouage de Sargasses : la dangereuse Porte d’Enfer

Les sargasses (Sargassum fluitans et natans) sont depuis 2011 les principales espèces d’algues flottantes pélagiques visibles s’échouant sur les côtes caribéennes. Leurs échouages sont fortement influencés par les courants marins et la configuration des lignes de côte (aménagement humains inclus). L’arrivé des radeaux d’algue denses ou éparses provoquent des perturbations écologiques du fait de la quantité de matière organique (composé de carbone C, hydrogène H, Oxygène O, Azote N, Phosphore P et Soufre S) qu’elle apporte et de la rapidité des échouages. Les radeaux de sargasses se déplacent sous l’effet du vent, des vagues, des courants marins et de la marée. Ils abritent une grande variété de colonies de planctons, de poissons et de crustacés. Les besoins en oxygène des sargasses ajoutées à la mauvaise qualité des eaux côtières peu profondes provoquent des asphyxies et une décomposition anoxique -fermentation- générant des gaz toxiques tel que le sulfure d’hydrogène (H2S), ammoniac (NH3), les thiols (R-SH) mais aussi des gaz à effet de serre tel que le méthane (CH4).

Ces processus de décomposition sans oxygène sont l’objet de nombreuses polémiques, crises sanitaires, économiques et écologiques. Les solutions retenues dans les Antilles-Françaises sont des ramassages mécanisés et des dragages d’urgence provoquant importantes destructions des plages et des ports. Les concentrations de deux des gaz les plus toxiques (H2S & NH3) sont contrôlés afin de pouvoir évacuer les populations en cas de risque. Malgré des taux mesurés de plus de 10ppm de H2S (Valeur Limite -Exposition- à Courte Durée VLCT) aucune évacuation n’a été opéré depuis 2011.

Les sites remarquables

De nombreuses plages sont considérées comme étant des sites remarquables. Ils attirent de nombreux visiteurs et constituent le potentiel touristique de nos pays en voie de développement. La présence de sargasses provoque la dégradation de la qualité des eaux de baignade, du potentiel paysagé et de la qualité de l’air. Ces sites qui sont mis en avant et exploités par l’industrie touristique, offrent une rentabilité importante du fait du peu d’entretien nécessaire.
La gestion de ces sites, en général, fait l’objet de la mise en commun d’un grand nombre d’intervenants rendant les démarches plus complexes mais pas forcément plus compliqué. Cet état complexe ne peut en aucun cas justifier leur pollution à long terme.

Plage de Porte-d-Enfer

La plage de Porte-d-Enfer (16.48°N, 61.44°O) à Anse-Bertrand (connue sous le nom de Trou à Man Coco) à connue depuis les dernières années de nombreux échouages massives de sargasses (voir galerie de photos) provoquant du fait de sa configuration géographique le blocage partiel ou complet de la crique et une couche épaisse (plus de 15 cm de hauteur) d’algues compactées en décomposition. Dans les conditions favorables la production des bio-gaz s’opère sur toute la colonne de sargasses humide. On peut l’observé par la présence de bulles (sous forme de colonnes) voir par la dispersion de biofilms de bactéries sulfato-réductrices de couleur grisâtre à la surface.

Dans ces cas d’échouages massives (exemple septembre 2018, janvier et juillet 2019) la baignade est impossible et sanitairement dangereuse. La présence dans la zone (jusqu’à 500 m) du bassin est risquée car la production de bio-gaz y est importante, non homogène et fortement variable. La température de l’eau favorise la production des sulfures d’hydrogène (H2S) et de l’ammoniaque (NH3) durant les heures les plus ensoleillées de la journée (9h-17) et donc le risque pendant les périodes d’affluence. Les variations de temps comme les pannes de vent ou les chutes de pression favorisent les fortes concentrations.

Nettoyage – atténuation des effets des échouages

Le site est naturellement nettoyé pendant les phases de forte houle qui assurent le reflux de la matière organique et la re-oxygénation du bassin.
La saison de pluie permet les écoulements dans d’embouchure d’un torrent qui favorise le reflux et le nourrissement de la plage en sable.
Les méthodes mécanisées de ramassage mise ne place par la municipalité et les services de l’État ne fonctionnent que pour les échouages de faible quantité. Une tentative de mise en place d’un barrage flottant à été un échec. Le ramassage à l’aide de pelle à chenille endommage fortement la plage et les routes avoisinantes ainsi qu’une pollution aux produits pétroliers (voir image tracto-pelle).
Le nettoyage manuel reste à la fois le plus efficace et le plus respectueux de l’écosystème du site, mais n’est malheureuse pas mise en application.

Protection des populations

On compte 22 relevés de H2S et NH3 depuis 2018 avec des mesures effectués à l’aide d’appareil portable sur 15 min. Aucun mesure n’a indiqué de valeurs limite d’exposition, les valeurs maximales relevées sont de 1,9 ppm pour le H2S (24/04/2018) et de 36 ppm pour le NH3 (28/05/2018). On peut s’interroger de la validité de ces mesures quand on sait que la surface potentielle de production de bio-gaz en cas de couverture total est 14.000m2 alors que les zones d’échouage produisant des bio-gaz est rarement supérieur à 5000m2 en Guadeloupe (cas du port de pêche de Capesterre-Belle-Eau). Les commentaires faits par les usagés de la zone confirme cette interrogation.

Malgré tout ces mesures sont très supérieures aux valeurs d’exposition chronique et sub-chronique limite de 0,02 ppm pour le H2S et 0,71 ppm pour le NH3 [HCSP 08/06/2019]1. L’exposition sub-chronique est une exposition d’un à plusieurs mois ce qui fut le cas entre mars et juillet 2018 d’après les relevés publiés par l‘ARS Guadeloupe.

Deux dernières valeurs de H2S mesurées le jeudi 18 juillet 2019 et le lundi 12 août 2019 atteignent respectivement 5,2 et 4,2 ppm, valeurs d’alerte (>5 ppm) pour les travailleurs suivant la réglementation française

Aucun panneau de signalisation n’est visible pour alerter les passants (et les touristes) des risques sanitaires en périodes d’échouage et d’émanation de gaz toxique. Sans connaissance du site nombre de passant, enfants et personnes âgées, restent admirer les échouages sans prendre en compte le risque sanitaire graves.

Dans le cas de la crise des algues vertes (Ulve -dite laitue de mer-) de Bretagne il a fallut près de dix ans, des mortes de sangliers, de chevaux, de chien et de plusieurs joggeurs avant de voir apparaître sur les plages des panneaux d’information officiels.

Il est donc urgent de reconnaître que la santé humaine à plus de valeur que la réputation (ou l’image) d’un site touristique. Il est essentiel que les autorités protègent les populations et les touristes en informant intelligemment du risque non-permanent lié au échouage de sargasses. Ceci est particulièrement vrai pour des territoires qui misent sur un développement touristique durable.

Le Groupe de Recherche Caribéen en Géophysique et Système Numérique (TCGNRG) reste à votre disposition pour vous accompagner (collectivités, entreprises de ramassage et particuliers) afin de sécuriser au mieux les lieux en tenant compte des conditions environnementales.

Exemple de mouvement de tas flottant de sargasses en décomposition

Dernière mise à jour (7/09/2019)

Depuis 20 août 2019 un arrêté municipal (voir photo ci-dessus) interdit toute activité nautique. Il faut félicité cette première décision plaine de bon sens. Mais malgré tout la mauvaise visibilité de l’affichage et le manque de pictogramme pour les personnes ne lisant pas le français empêche de véritablement mettre en garde face aux risques liés à la présence d’algue en décomposition depuis plus de deux mois.

Au moment ou les photos ont été prise un chasseur sous-marin sortait de l’eau sans avoir remarqué les affiches

Ramassage de Sargasses à Marie-Galante : juillet 2019

Les arrivées de sargasses fin juillet 2019 ont été très fréquentes en particulier sur la côte Est de l’île de Marie-Galante. La commune de Capesterre est la plus la plus impactée par les échouages, la stagnation et la décomposition des algues du fait de son exposition direct aux courants marins atlantiques et aux Alizés. La barrière de corail située à 500m de la ligne de côte complexifie la circulation des eaux.

Les eaux peu profondes qui entourent la bande côtière urbanisée de la commune (voir carte #1) restent chaudes car peu rafraîchies par les masses d’eaux océaniques qui passent difficilement les chenaux dessinés par le corail. Les périodes les plus favorables au renouvellement des masses d’eaux de ce lagon interviennent durant les fortes houles, où de grandes quantités d’eau pénètrent par débordement (déferlement des vagues).

Carte #2: Position moyenne sur 7 jours des radeaux de sargasses détectés dans l’Atlantique tropical ouest

Ces conditions donnent des eaux le plus souvent peu oxygénées et sensibles aux pollutions. La présence d’une quantité importante de matière organique favorise la décomposition anoxique (fermentation) et la production de gaz toxique tel que le sulfure d’hydrogène (H2S), l’ammoniaque (NH3) ou les mercaptans (Thiols). Les rejets d’eau pluviales et le dysfonctionnement des stations d’épurations provoquent l’eutrophisation de la zone caractérisée par la présence de nombreuses algues vertes et des pollutions saisonnières.

En cas d’échouage de sargasses il est essentiel de ramasser rapidement les algues mortes afin de limiter les risques de pollution atmosphérique et aquatique et d’éviter d’exposer la population à des taux de H2S ou NH3, supérieur aux valeurs d’exposition sub-chroniques respectivement de 0,02 ppm pour H2S et de 0,71 ppm pour le NH3 [HCSP 08/06/2018] pendant plus de 15 à 30 jours.

Ce ramassage bien qu’étant important et urgent, ne peut pas se faire dans n’importe quelle condition et sans respecter des règles. Le 24 juillet 2019 nous avons encore eu un exemple inquiétant des mauvaises pratiques qui sont en cours (voir photo #1 et photo #2)

  • absence de délimitation de la zone de travaux
  • absence de signalisation quant aux risques associés
  • utilisation de machines non-adaptées dans les conditions dangereuses
  • mauvais choix des lieux de ramassage, etc.

TCGNRG peut contribuer à la mise en place de procédures de ramassage respectueuses des sites naturelles, des conditions environnementales, de la sécurité et de la santé publique et des travailleurs. N’hésitez à contacter nos services

contact@tcgnrg.com