Réunion plénière de lancement de la COP Régionale de Guadeloupe

Nous y étions

Le contexte

Le mardi 14 novembre 2023 à 14h15 s’est tenu la réunion plénière de lancement de la COP Régionale (Conférence des Parties Régionale) à l’espace régionale du Raizet. TCGNRG y était et vous livre sa lecture des échanges et de ce nouveau dispositif pour la planification écologique.

Selon le site Internet du Ministère de l’écologie la COP Régionale vise à « […] à décliner région par région, à l’échelle de l’action concrète, ces objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de biodiversité, de préservation des ressources ,e d’économie circulaire et d’adaptation. »1

Les parties concernées sont « […] les collectivités d’une part, mais aussi les entreprises, les associations et les fédérations professionnelles. »1

Le calendrier prévisionnel des COP Régionales prévoit : « […] Cet hiver (décembre en Guadeloupe) : établissement d’un diagnostic partagé et co-construit avec les collectivités territoriales; Au printemps 2024 (mars-avril en Guadeloupe) : co-construction avec tous les acteurs des leviers d’action; À l’été 2024 (juin-juillet en Guadeloupe) : pour chaque COP, finalisation des feuilles de route pour l’horizon 2030, au sein du territoire. »1

L’invitation conjointe de la préfecture et de la Région Guadeloupe du 10 novembre 2023

appelle à « […] (aujourd’hui) de construire une stratégie avec les acteurs de terrain pour élaborer un projet de territoire qui contribue aux objectifs nationaux de transition écologique » au travers de la réunion de lancement de la planification écologique sur le territoire.

En organisant la plénière de lancement, le 14 novembre la Guadeloupe est la seconde région française à lancer sa COP après la région Grand Est et la première région ultrapériphérique. La Guadeloupe se veut donc à la tête des régions pour la planification écologique alors même que les transports en commun y sont très peu développés, que le recyclage est quasi inexistant et que l’état des milieux aquatiques est dramatique à la fois chimiquement et écologiquement. Il faut espérer que l’énergie mise pour embrasser ce nouveau dispositif permettra de provoquer un véritable changement et non des prises de décisions anachroniques d’une région en voie de développement appliquant la grille de lecture de l’ancienne 6ème puissance mondiale.

Déroulement de la plénière de lancement

Après les propos introductifs de la Préfecture, du Conseil Régional, du Conseil Départemental, de l’association des Maires et du ministre en charge de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et en charge de la territorialisation de la planification écologique (message vidéo enregistré), trois présentations ont été faites pour introduire le contexte climatique et écologique de la Guadeloupe :

La première présentation était celle d’un enseignant-chercheur de l’Université des Antilles sur le climat de la Guadeloupe. Malheureusement la présentation était plus focalisée sur les travaux effectués par son groupe de recherche que sur l’état des connaissances du climat de la Guadeloupe. Cela est sans aucun doute lié aux sous dotations pour la recherche, en particulier les sujet sur le changement climatique, accordées à l’Université des Antilles.

La seconde présentation a été celle de l’ADEME Guadeloupe sur les enjeux du changement climatique et la réduction des gaz à effet de serre. Malheureusement cette présentation reposait sur une définition politique des usages des biofuels et non physique ou climatique. Le passage aux biofuels de la centrale thermique de Jarry va permettre de considérer grâce à la définition politique des énergies renouvelables que le réseau électrique de la Guadeloupe sera d’ici à 2024-2026 à 100 % à base d’énergies renouvelables. Dans la réalité, cette centrale thermique et celle du Moule (bagasse/bois/charbon) repose sur des énergies fossiles et non renouvelables. Ces deux centrales n’ont donc physiquement (c’est-à-dire climatiquement) rien de vert. L’ADEME Guadeloupe considère que le principal défi sera le transport, ce qui est vrai, mais en proposition la problématique du réseau électrique et de la production d’électricité n’est pas réglée. Les questions et commentaires du public sur la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie et la place accordée à la Géothermie ont montré la non-acceptation de la trajectoire énergétique proposée par la Région Guadeloupe. La question de l’énergie ne fait pas consensus au sein de la population et est encore loin d’être climatiquement vertueuse.

La troisième présentation sur l’état de la biodiversité de la Guadeloupe a été effectuée par la présidente du conseil d’administration de l’office français de la biodiversité. Cette dernière tarde à s’imposer comme référence scientifique sur la biodiversité en Guadeloupe et cela malgré ses titres universitaires. De nombreuses questions et commentaires ont, aussi pour ce sujet, montré la non-acceptation de la population de la gestion actuelle du territoire et en particulier de sa biodiversité.

Les nombreuses tensions durant cette séquence d’introduction laissent penser que les conditions ne sont pas réunies pour des échanges apaisés sur les deux problématiques que sont le climat et la biodiversité à la fois du côté de la société civile qui dénonce un refus de démocratie et des élus de la majorité régionale qui acceptent mal les commentaires et les reproches. La récente mise à jour de la PPE et du SRDEII l’ont montré, en laissant un fort ressenti de la société civile qui s’était mobilisée.

Les propositions faites par la DEAL Guadeloupe prévoient que la COP Régionale fonctionnera avec six groupes thématiques qui devront travailler sur les six thématiques de France Nation Verte, c’est-à-dire mieux se loger, mieux se déplacer, mieux protéger nos écosystèmes, mieux produire, mieux se nourrir, mieux consommer. Un dernier groupe sera chargé de la synthèse. La COP régionale devra proposer une planification régionale pour répondre aux engagements nationaux. Une liste de leviers d’action devra donc être proposée, dont 52 ont déjà été identifiés par France Nation Verte (voir des éléments de cette liste en fin de document), pour résoudre les cinq défis environnementaux que sont l’atténuation, l’adaptation, la biodiversité, la gestion des ressources et la santé à l’horizon 2030.

La principale question que l’on peut se poser et de savoir si cette démarche a une chance de proposer une direction cohérente avec les réalités physiques de l’archipel de la Guadeloupe et lui permettre de se développer tout en prenant sa part de responsabilité pour la réduction des gaz à effet de serre et de la protection de la biodiversité (mondiale).

Notre analyse de la situation

Trois éléments peuvent laisser penser que les chances que cette nouvelle démarche va conduire à une impasse, une perte de temps et une déstabilisation de la gouvernance de la région Guadeloupe.

Le premier élément est l’expérience de la convention citoyenne pour le climat. 150 citoyens tirés au sort plein de bonne volonté qui après plus de neuf (9) mois de travail ont fait des propositions pleines de bon sens, mais qui n’allaient pas dans le sens du pouvoir et ont donc été rejetées dans leur très grande majorité dans les limbes de l’histoire (90 %). Cela en ne laissant même pas la possibilité au Parlement de discuter ces propositions. Personne ne peut nier que le bottom-up (gouvernance du bas vers le haut) ne fonctionne plus en République Française en particulier depuis le 23 avril 2017. Le choix de proposer la mise en place de COP Régionales repose sur la même démarche que la convention citoyenne pour le climat : une décision up-bottom (gouvernance du haut vers le bas) imposée et non préalablement discuté. Les conditions de vie toujours impactées par les variations du climat et le niveau de connaissance étant les mêmes quand 2019 les chances que les propositions des COP Régionales soient les mêmes que celles de la convention citoyenne pour le climat sont grandes. Les propositions n’ont pas été acceptées en 2019 il n’y aucune raison qu’elles soient acceptées en 2024. Car même si elles sont déclinées au niveau régional elles auront les conséquences au niveau national avec une rupture avec le système capitaliste et le commerce à tout prix.

Le second élément qui laisse penser à une perte de temps est le calendrier proposé et les délais très courts. Proposer en moins de six (6) mois des pistes concrètes, réalistes et chiffrées de planification écologique pour un territoire archipélagique avec autant d’informations manquantes sur le climat actuel et futur est au mieux un doux rêve et au pire une non connaissance du territoire. Le manque récurrent de moyens au sein des services publics a conduit progressivement à une perte de compétences, de connaissances et de capacité d’agir. La situation actuelle avec des connaissances du territoire trop partielles et l’incapacité à proposer des simulations sur les conséquences économiques, politiques et sociales de décision de réduction d’émission de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversité va pousser à travailler au doigt mouillé. Et donc à revenir fréquemment sur le sujet pour ajuster ce qui n’a pas pu être prévu ou correctement évalué. Le dispositif de la COP Régionale prévoit déjà une mise à jour annuelle.

Le troisième élément qui laisse penser à une déstabilisation de la région voire du pays Guadeloupe est l’absence de dialogue social apaisé. Les récents échanges entre les majorités du conseil Régional ou du conseil Départemental et la société civile, ne laissent que peu d’optimisme quant à l’acceptation de mesures de bon sens qui iraient contre les politiques actuelles mais permettraient de mieux protéger notre environnement et notre cadre de vie. En guise d’exemple, le citoyen curieux pour se référer aux révisions de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) et du Schéma Régional de Développement Économique, d’Innovation et d’Internationalisation (SRDEII).

Une planification écologique efficace et réaliste ne peut s’effectuer que par le biais d’une rupture de notre mode de fonctionnement engendrant des modifications profondes dans l’économie et la gouvernance politique. Le pouvoir politique actuel ne semble pas disposé à trop d’évolution voire de révolution écologique.

En conclusion

TCGNRG participera aux ateliers auxquels on lui autorise l’accès. Ceci pas dans le but de chercher les meilleures solutions au niveau régional pour la planification mais bien pour s’assurer que ce moment de démocratie ne soit pas volé à la société civile à l’aide de concepts scientifiques détournés telles que les notions floues d’énergies vertes et renouvelables.

Les solutions pour une transition lucide et juste existent déjà, on peut citer entre autres le développement massif de la Géothermie, les transports en commun gratuits, la réduction de la consommation de viande, la réduction des aliments transformés, le développement de l’agriculture vivrière basé sur l’agroforesterie et la permaculture, la mise en avant de styles vestimentaires plus en adéquation avec notre climat, la révision de la taxation pour favoriser le développement de production et de l’économie locale, le développement des pouvoirs de police locaux, etc.

Ces solutions ne sont que peu mises en application, car elles vont provoquer un changement important dans le fonctionnement de la société et des rapports de force. Les lobbys de l’ancien monde carbone est puissant et n’a aucune envie de perdre ses privilèges, les résultats de la convention citoyenne sur le climat en est la preuve.

Pour TCGNRG Jean-François Marc DORVILLE (jf.dorville@tcgnrg.com)

1https://www.ecologie.gouv.fr/territorialisation-planification-ecologique-christophe-bechu-lance-premiere-cop-regionale-metz-mardi

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Annexe

Liste non exhaustive des leviers identifiés dans le document Mieux agir, la planification écologique, synthèse du plan, juillet 2023