De nombreuses villes impactées par des échouages de sargasse (Sargassum Fluitans et Sargassum Natans) tentent de réagir face aux différentes conséquences de cette présence de matière organique, vivante ou morte, en grande quantité. Les effets bien que maintes fois reproduits restent mal compris et non maîtrisés. Ils vont de la simple présence d’algues flottantes vivantes qui vont modifier le paysage, empêcher la baignade et/ou la navigation à la décomposition d’algues tassées sur une plage ou un enrochement en anoxie ou anaérobie (manque ou absence total d’oxygène). Ce dernier cas provoque la multiplication de micro-organismes spécialisés dans l’utilisation d’azote ou de soufre pour produire de l’énergie. Il provoque l’émission de bio-gaz tel que le sulfure d’hydrogène (H2S) et l’ammoniac (NH3).
Ces deux gaz ne sont qu’une petite partie des gaz émis lors de la décomposition anaérobie de ces algues considérées à tort comme étant toxique. Cette pseudo-toxicité ne dépend que des conditions de fermentation provoqué par les activités humaines. Les risques liés à l’exposition sur de longues périodes à des concentrations inférieures au seuil d’alerte, 5ppm pour le H2S révisé à 1 ppm par le Haut Conseil pour la Santé Publique le 08/06/2018, est sans aucun doute dangereux pour les voies respiratoire et la santé générale. Cela pour les personnes vivant ou travaillant à proximité de ces émanations de quelque mètres à plusieurs kilomètres.
Le ramassage, le nettoyage ou la biorédemption des algues sargasses ou de leurs déchets ne peut s’imaginer à l’aide des méthodes mécanisées classiques du fait de la nature de l’algue : petite ; chargée d’eau de mer et friable en phase de vieillissement. Les zones d’échouages, plages, mangrove, baies sont aux échelles des territoires insulaires caribéens toujours complexes et -écologiquement- sensibles à toutes modifications. L’utilisation d’une pelle mécanique sur des sols non stabilisés, les compresse et modifie les écoulements d’eau, rendant ces sols au mieux inutilisables pour une courte période de temps et au pire sujet à l’érosion.
Il ne sert à rien de ramasser des algues qui repartiront avec la prochaine marée ou de déplacer sable, roche et béton pour les éliminer d’une zone. La préparation de toutes opérations de nettoyage-ramassage-réhabilitation est essentielle. Elle doit comprendre l’adaptation des méthodes de ramassage, le respect des zones à traiter, la capacité à déplacer, stocker et traiter la matière organique ou minérale ramassée, tout en assurant la sécurité et la santé des personnes intervenants et des riverains.
Le cas de la commune de Goyave est un bel exemple. Sujet depuis plusieurs années (2014-2018) à des arrivages d’algues elle reste peu préparer à des opérations de ramassage dans sa petite zone portuaires. La zone de ramassage est un port situé dans une zone de forêt marécageuse fortement anthropisée et servant d’exutoire au réseau d’eaux usées et pluviales (Fig. 1). L’objectif n’est pas ici de jeter la pierre à une commune en particulier car peu de communautés dans le monde sont véritablement préparées à répondre à des sollicitations non permanentes tel que des pollutions de l’eau, de l’air ou du sol.
Les récentes opérations de ramassage du 8 – 9 août 2018 le montre bien. La pelle mécanique hydraulique sur chenilles utilisée bien que de petite taille n’est pas adaptée au site et provoque des dégradations (Fig. 2). Le manque de sargasses en surface, en phase de vieillissement ces algues pélagiques perdent leurs flotteurs (pneumatophore) et coulent, a poussé à curé la zone. La non-adaptation du godet au raclage d’un fond rocailleux l’a abîmé (Fig. 2). La boue mélange d’argile, de matières organiques et plastiques ainsi que d’hydrocarbures est stocké sans précaution sur une zone de mangrove (Fig. 3) et dans une zone non surveillée réservée initialement à l’épandage de sargasse (Fig. 4). Le non balisage du chantier et l’absence de panneaux d’information posent des questions pour la sécurité des ouvriers et des passants. Les bio-salissures présentes, boues de décomposition de sargasse et de curage non sèches peuvent émettre des bio-gaz et augmenter localement les concentrations atmosphériques de H2S ou de NH3 (Fig. 5).
Cette opération de nettoyage n’a certainement eu aucun effet sur les niveaux de pollution atmosphérique les zones de production principales de bio-gaz n’étant pas dans cette zone. Mais elle permettra une meilleure qualité des eaux du port et donc des décompositions des algues sargasse moins impactant. Le coût environnemental, dégradation des biens publiques, pollution des sols et des eaux est par contre prohibitif comparativement aux bénéfices.
Les échouages des algues sargasses doivent pousser à une meilleure organisation et à une meilleur gestion des travaux environnementaux. La complexité des lieux et des systèmes concernés, leur niveau bio-diversité impose une grande rigueur quant aux actions qui vont y être menée. Le TCGNRG* reste à votre disposition pour vous aider à mettre en place des dispositifs durables et adaptés à la gestion et au traitement des échouages d’algues, de matière organique ou de plastique.
*Le Groupe de Recherche Caribéen en Géophysique et Système Numérique